
Loi (1884) sur le prêt sur gages
CONSIDÉRANT
qu’il est utile de réglementer le commerce du prêt sur
gages;
Que, quoique ce genre de commerce offre
des avantages à la classe la moins aisée de la
société, il en résulte, néanmoins, de très
graves abus, aucune protection n’étant donnée à ceux
qui se trouvent forcés par les circonstances d’avoir recours aux
Prêteurs;
Que souvent les Prêteurs exigent,
par voie d’intérêt, des profits tellement exorbitants que
ceux qui leur ont confié des objets en gage se voient dans
l’impossibilité de les retirer, et sont forcés d’en
faire le sacrifice;
LES ETATS
ont résolu d’adopter le Règlement suivant pour avoir force
de Loi, moyennant la sanction de Sa Majesté en Conseil –
1
Celui qui voudra exercer
l’état de Prêteur sur gages devra en donner avis par
écrit au Connétable de la paroisse dans laquelle il a
l’intention d’établir son commerce.
Il ne pourra exercer ledit état
sans la permission du Connétable, et il sera tenu de faire peindre ou
écrire en caractères lisibles en dessus de la porte de son
magasin ou de sa maison, son nom et prénom et les mots “Prêteur
sur gages”, ou “Pawnbroker”, le tout à peine d’une
amende du niveau 2 du tarif uniforme.[1]
2[2]
L’intérêt ou profit
qu’un Prêteur sur gages pourra exiger ou recevoir de la personne
qui lui aura remis un ou plusieurs objets en gage, outre la somme principale
qu’il lui aura prêtée, sera 2% pour chaque mois ou la partie
du dernier mois que les objets resteront en gage, laquelle somme tiendra lieu
de profit ou d’intérêt, y compris les frais
d’emmagasinage et autres.
3
Le Prêteur sur gages tiendra un
livre dans lequel il entrera chaque prêt qu’il pourra faire.
L’entrée désignera correctement chacun des objets
reçus en gage, l’argent prêté sur lesdits objets, le
nom de la personne qui les aura mis en gage, son état ou occupation, et son
domicile, et le jour du mois et de l’année que les objets auront
été mis en gage.
4
Le Prêteur délivrera ou fera
délivrer à celui qui lui remettra un objet en gage, un
mémoire ou billet désignant les objets reçus en gage, la
somme prêtée sur ces objets, le jour du mois et de l’année
qu’ils auront été mis en gage, et le nom et le domicile de
celui qui les lui aura mis en gage. Ce mémoire ou billet portera le nom
du prêteur, et sera écrit ou imprimé, ou partie
écrit et partie imprimé en caractères lisibles; il est
défendu à tout Prêteur de recevoir aucun objet en gage de
celui qui refuserait de prendre ou accepter ledit mémoire ou billet.
5
Lorsqu’un objet mis en gage sera
retiré, le Prêteur sera tenu d’insérer dans le livre
dont il est parlé à l’Article 3, vis-à-vis de
l’entrée qui en aura été faite, l’argent reçu
comme profit ou intérêt, et d’en donner un reçu
à celui qui retirera ledit objet.
6
Le porteur du mémoire ou billet
dont il est parlé à l’Article 4, sera censé le
propriétaire des objets y désignés, et le Prêteur
sera tenu de les lui délivrer après avoir reçu
l’intérêt exigible en vertu de cette Loi, à moins que
le Prêteur n’ait reçu avis de celui qui prétend en
être le seul propriétaire, de ne pas les délivrer au
porteur du mémoire ou billet, soit parce que ledit billet lui a
été frauduleusement soustrait ou a été perdu par
lui, ou que les objets lui ont été volés.
7
Lorsqu’un billet ou mémoire
aura été perdu ou détruit par le propriétaire ou
qu’il lui aura été frauduleusement soustrait, le
Prêteur, si les objets sont encore en gage, sera tenu de lui en donner
une copie, lorsqu’il le demandera, pourvu que le propriétaire
remette au Prêteur une déclaration à cet effet, par
écrit, faite sous la foi du serment devant un des Magistrats de la Cour
Royale, constatant de quelle manière ledit billet a été
détruit, ou les circonstances sous lesquelles il a été
perdu, ou qu’il lui a été soustrait. Le Prêteur
pourra, dans ces cas, exiger 1p pour ladite copie.[3]
8
Si, après l’expiration
d’une année du jour que les objets ont été mis en
gage, ils ne sont pas retirés, ils seront censés forfaits par le
propriétaire. Et dans le cas où l’argent prêté
excède 50p, le Prêteur les fera vendre en vente publique dans le
courant d’un mois après l’expiration de ladite année,
si le propriétaire l’exige et qu’il en donne avis au
Prêteur dans le délai dudit mois. L’encanteur ou la personne
chargée d’en faire la vente, sera tenu d’en donner avis dans
2 des journaux publiés le Samedi dans cette île, l’un en
langue anglaise, l’autre en langue française, 6 jours au moins
avant le jour fixé pour la vente; l’annonce désignera les
objets qui seront vendus, le nom du Prêteur chez lequel ils avaient
été mis en gage, et l’endroit où ils sont
exposés pour l’inspection du public.
9
Le propriétaire d’objets mis
en gage pourra, néanmoins, avant l’expiration de
l’année, donner avis au Prêteur, soit par lettre, soit
verbalement, en présence d’un témoin, de ne pas disposer de
ces objets; en quel cas lesdits objets ne seront forfaits qu’après
3 mois à partir de l’expiration de ladite année, et le propriétaire
pourra les retirer pendant ce temps, en payant l’intérêt sur
l’argent prêté, ainsi qu’il est spécifié
à l’Article 3.
10
Le Prêteur sur gages devra tenir un
livre spécialement destiné à cet objet, dans lequel il
entrera un état fidèle de la vente d’objets mis en gage
pour une somme excédant 50p, et qui auront été vendus en
vente publique; il y inscrira le nom de celui qui les avait mis en gage, le
jour qu’ils auront été vendus et le prix pour lequel ils
auront été vendus; et si le produit de ladite vente excède
la somme prêtée, le Prêteur sera tenu d’en payer la
balance au porteur du billet ou mémoire, moins les frais de la vente,
c’est-à-dire, 5% de commission et les frais d’avertissement,
pourvu toutefois qu’il lui en fasse la demande dans les 3 mois ensuivant
immédiatement ladite vente.
Le porteur du mémoire ou billet
pourra s’adresser en aucun temps au Prêteur afin d’examiner
l’entrée qui aura été faite dans ledit livre; et si
les objets ont été vendus pour une somme plus
élevée que celle qui s’y trouve désignée, ou
que le Prêteur en refuse l’examen à celui qui est en droit
de l’exiger, ou qu’il refuse de lui payer la balance, le
Prêteur sera passible d’une amende du niveau 2 du tarif
uniforme, et paiera au propriétaire le double de l’argent prêté
sur lesdits objets.[4]
11
Un Prêteur qui, avant le temps
fixé par cette Loi, aurait disposé d’articles à lui
confiés en gage, ou qui les aurait détériorés,
perdus ou échangés, sera tenu d’en payer la valeur au
propriétaire, plus une indemnité que la Cour fixera et qui
n’excédera pas £5.
12
Tout Prêteur sur gages sera tenu de
produire les livres dont il est parlé dans cette Loi, lorsqu’il en
sera requis par la Cour ou par le Centenier auquel une plainte aura
été faite que le Prêteur a contrevenu aux dispositions de
cette présente Loi et s’est rendu passible des peines y contenues,
ou qu’il a en sa possession des objets provenant de vol, ou obtenus
frauduleusement. Et dans le cas où il refuserait de les produire ou
d’en permettre l’examen, le Centenier pourra les séquestrer
et le Prêteur sera passible d’une amende du niveau 2 du tarif
uniforme.[5]
13
Il est défendu à tout
Prêteur d’acheter ou de prendre ou recevoir en gage aucun objet
d’une personne âgée de moins de 16 ans, ou qui se
présenterait à lui dans un état
d’intempérance; il lui est également défendu
d’acheter dans le cours de son commerce ou de prendre en gage aucun effet
ou article avant 8 heures du matin ou après 8 heures du soir, le tout
à peine d’une amende du niveau 2 du tarif uniforme pour
chaque contravention.[6]
14
Il est également défendu
à un Prêteur de recevoir en gage, d’acheter ou de prendre en
échange aucun objet ou article de personnes qui ne pourraient pas
justifier de la manière dont ils en auraient obtenu possession, qui
refuseraient de donner leurs noms ou d’indiquer leur domicile ou celui du
propriétaire desdits articles; et dans le cas où le Prêteur
aurait lieu de soupçonner que lesdits objets ont été
volés ou illégalement obtenus, ou que celui qui se
présente pour retirer des objets mis en gage n’en est pas le
propriétaire légitime, ni autorisé à les retirer,
le Prêteur devra sur-le-champ en avertir l’un des Centeniers de la
paroisse, et dans le cas où un Prêteur achèterait ou
prendrait en gage des objets volés ou illégalement soustraits,
lesdits objets seront restitués au propriétaire après que
la preuve en aura été fournie en Justice; le tout sans
préjudice aux poursuites qui pourront être dirigées vers le
Prêteur ou l’acheteur comme receleur d’objets volés,
si les circonstances le justifient.[7]
15
Toute personne qui aurait contrefait,
falsifié ou altéré un mémoire ou billet
délivré en vertu de cette Loi, ou qui aurait
présenté, offert en vente ou vendu tel mémoire ou billet,
sachant qu’il aurait été falsifié, contrefait ou
altéré, sera punie d’un emprisonnement avec travail
forcé de 2 mois au moins et de 6 mois au plus.
16
Il est défendu aux Prêteurs
d’acheter ou de prendre en échange ou en gage, aucun objet ou
article portant la marque, le chiffre ou l’empreinte d’aucun
département de Sa Majesté ou d’aucun établissement
public de cette Ile, ou des objets qui, par leur nature, sont destinés
au service d’un culte religieux, ou aucun objet faisant partie de
l’équipement d’un milicien ou d’un soldat d’un
des régiments au service de Sa Majesté, ou des médailles
appartenant à un soldat; le tout à peine d’une amende du
niveau 2 du tarif uniforme.[8]
17
Il leur est également
défendu, sous peine d’une amende du
niveau 2 du tarif uniforme, d’acheter ou de recevoir en
échange ou en gage, aucun cordage ou article en métal, faisant
partie des apparaux d’un navire ou bateau, à moins que celui qui
l’offre en vente, en échange ou en gage, ne soit muni d’un
certificat du propriétaire ou maître du navire ou bateau dont les
objets faisaient partie, que le porteur desdits objets en est bien et
légalement le propriétaire; ledit certificat devant rester entre
les mains du Prêteur.[9]
18
Les dispositions de la présente Loi
s’appliqueront à toute personne qui achètera ou recevra des
effets mobiliers pour une somme d’argent n’excédant pas
£10, avec la condition expresse ou tacite que lesdits effets pourront
être rachetés ou réclamés à quelque titre que
ce soit.
19
La présente Loi ne
s’étend pas aux personnes qui ne font point le commerce
régulier de Prêteurs sur gages, mais qui prêtent de
l’argent à l’intérêt au taux de 5% par an, en
recevant des objets en dépôt comme garantie de leur
créance.
20
Dans tous cas d’infraction aux
dispositions de cette Loi, où une pénalité ou amende
n’a pas été déjà spécifiée, le
Prêteur sur gages sera passible d’une amende du niveau 2 du
tarif uniforme. Toutes les amendes portées en cette Loi seront
infligées, après conviction, sur la présentation
d’un rapport par un Centenier chargé de
l’affaire au Juge du Tribunal pour la
répression des Moindres Délits. Et, à défaut de
paiement, le prévenu sera condamné à un emprisonnement,
avec ou sans travail forcé, de 2 jours au moins et de 8 jours au plus,
à la discrétion du Juge.
Le Juge dudit Tribunal pourra, en outre
l’amende ou l’emprisonnement, retirer au contrevenant, s’il y
a lieu, la permission d’exercer l’état de Prêteur sur
gages.[10]
21
Les actions pour le recouvrement des
indemnités auxquelles le Prêteur s’est assujetti envers
celui qui lui a confié des objets en gage, seront instituées
devant la Cour pour le recouvrement de Menues Dettes.